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Honte et culpabilité dans l'eczéma

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Honte et culpabilité dans l'eczéma sont des blessures de l'intime, de l'Etre en profondeur. Le regard des autres, de la culture, le manque d'empathie, les critiques permanentes, les reproches sont autant de coups de poignard dans votre dos. Mais un effet secondaire du traitement, insoupçonné, peut aussi aggraver le tout. Bien faire le traitement n'est pas forcément faire du bien à l'enfant ...

jeune homme qui se cache le visage dans les mains
La honte isole

 

La honte n’a pas pour fondement une faute que nous aurions commise, mais l’humiliation que nous éprouvons à être ce que nous sommes sans l’avoir choisi, et la sensation insupportable que cette humiliation est visible de partout .

 Kundera


« Mais de toute façon, l’eczéma, c’est dans la tête ! » Cette phrase, rabâchée à en donner la nausée aux patients, est un archétype de dictature mentale. Quand la rumeur devient la culture dominante, le patient n’a plus qu’à ravaler sa rancœur et s’isoler encore un peu plus. Ce style de phrase a l’énorme avantage de permettre à celui qui la dit, de se sentir désinvesti d’une quelconque empathie et solidarité auprès du porteur de la dermatite atopique, car «puisque c’est dans ta tête, je n’y peux rien et surtout ne m’en parle pas ! »

Sommaire de la page : honte et culpabilité dans l'eczéma

  1. Témoignages de patients
  2. La culpabilité des parents
  3. Pourquoi : La responsabilité des autres : le regard, le jugement, le manque d'empathie, la dictature du paraître
  4. Pourquoi : En quoi le traitement peut-il être aussi un responsable?
  5. Que faire?

1. Témoignages de patients

votre propre regard : Le dégout. la sexualité ?

La maladie de l'eczéma a été quelque chose de très très lourd, qui m'a malheureusement amenée à un retranchement très profond de honte, ce sentiment de dégout que l'on peut peut-être pour certains générer, ce sentiment de gêne,  c'est un peu comme si on avait la lèpre, qu'on était des pouilleux"  Extrait d'un témoignage que vous trouverez en intégralité sur la page "l'eczéma dans l'intimité"


la culpabilite comme raison de la crise

Madame X a une maladie de Crohn et un eczéma sévère. La question posée était celle de savoir si le médicament de la maladie de Crohn avait pu déclencher la crise d'eczéma. La discussion avec la patiente allait faire naître bien d'autres questions ...La première évidente était qu'elle ne faisait pas ses soins, l'ordonnance restait dans le tiroir. Madame pourquoi ne faites vous pas vos soins ?  La patiente ne savait pas répondre ...Son aspect extérieur était très négligé, il y avait une certaine forme d'abandon palpable autour d'elle, l'échange était bloqué par cette question, elle pouvait la ressentir comme une accusation, elle pouvait se sentir coupable de ne pas faire les soins. Cette question là était une mauvaise question ! Madame, vous sentez vous coupable de quelque chose ? La patiente s'effondre en larmes...Voilà son histoire : elle avait vécu 17 ans avec un homme qui la battait et dont elle avait eu un fils. Au bout de 17 ans, elle arrive à le quitter et rencontre ensuite un autre homme. Ils s'installent dans une autre région où elle vit une vie bien plus heureuse. Son mati meurt 4 ans plus tard, la laissant seule avec son fils dans une région où elle n'a pas d'attache. Décidant alors de se rapprocher de sa famille, son eczéma apparaît à ce moment là.  Certains diront que c'était le fait de se rapprocher de sa famille... C'est bien sûr une hypothèse, mais il faut entendre ce qu'elle en dit. Je me suis sentie coupable d'abandonner mon mari dans sa tombe et de le laisser tout seul... La prise de conscience de cette culpabilité permit de lever l'obstacle à ses soins.  Elle prit soin d'elle, fit son traitement et son eczéma disparut, la cortisone put être arrêtée sans récidive, et le traitement de la maladie de Crohn n'y était pour rien. Quant à sa culpabilité, elle fit quelques séances chez une psychothérapeute. 


la culpabilite comme consequence de l'eczéma

Vous vous êtes enfermés dans l’idée que vous êtes un incapable. Etre incapable, dans notre monde moderne,  n’est pas très à la mode…et débouche sur ce sentiment si partagé entre les patients, surtout adultes : la culpabilité. Coupable de ne pas pouvoir maîtriser son grattage, coupable de montrer sa vulnérabilité, coupable de ne pas chercher dans sa tête ce qui ne va pas…

En bref, l’épuisement mental plus l’estime de soi rabaissée, cela donne un moral au plus bas, avec un saupoudrage de culpabilité quand on se dit «tu oses être malheureuse, alors que d’autres ont des maladies beaucoup plus graves, toi ce n’est que de l’esthétique ! ». Votre paragraphe concernant les réactions chimiques qui agissent sur le moral m’a percutée : il y a une part de psychologique, mais aussi de physicochimique : il serait presque normal d’avoir le moral au plus bas avec de l’eczéma, c’est physique ! Témoignage de  Caroline 


2. La culpabilité des parents

Toutes les maladies chroniques entrainent un sentiment de culpabilité chez les parents, et surtout les mamans. Le fardeau des soins, tant qu'ils ne sont pas compris rajoutent de la souffrance, ne pas arriver à traiter correctement son enfant est insupportable. Ce thème justifiait une page à part. Aider les parents 


3. Pourquoi ? la responsabilité des autres

L'autre vous accuse d'impuissance :  arrête de te gratter et ça ira mieux !

Une des plus grandes, si ce n’est la plus grande difficulté de l’eczéma, ce sont les autres. Il est clair que le regard des autres induit un mal-être: on est persuadé que notre eczéma se voit à 10 000 km, que les autres sont dégoûtés par ce qu’ils voient, etc. De plus, ce qui est très difficile, c’est de voir que le grattage est vu comme une faiblesse pour les autres (ou du moins c’est ce qu’on ressent). “ Arrête de te gratter » est juste insupportable. 


L'autre pose un regard intrusif sur vous

Ce n'est pas pour rien que les adolescents se couvrent avec des manches longues même en plein été. Vous subissez l'Intrusion du regard : Ne pas pouvoir se soustraire au regard de l'autre et encaisser du dégoût, du rejet, correspond à des situations d'une extrême violence. C'est l'intrusion du regard de l'autre dans son intimité, qui peut s'apparenter à un "viol" symbolique.


L'autre met en doute votre bonne volonté

Répondre  aux injections des uns ou des autres par la négative du style : oui j'ai arrêté le lait et ça ne m'a rien fait. Ce style de phrase, loin de remettre en cause celui ou celle qui l'a énoncée, provoque en règle une réflexion dubitative, un doute sur votre bonne volonté à vous soigner. De toute façon, vous êtes trop nerveux ! c'est dans la tête!


L'autre trouve une explication dans le spirituel

Certains vous disent qu'il y une signification d'ordre spirituel. Pourquoi moi ? "Qu'est ce que j'ai fait pour être dans cet état?" peut on entendre. Comme si l'eczéma était une punition venue d'ailleurs ...Cette façon de réagir vient d'un passé religieux, où la maladie était considérée comme la punition d'une faute : encore de la culpabilité!


L'autre ne vous accorde aucune empathie

Vous ne recevez aucune empathie  : mais le pire, c'est peut être de ne provoquer aucune empathie autour de soi ...


4. Pourquoi : En quoi le traitement peut-il être aussi un responsable?

y aurait-il un effet nefaste a ce que le parent applique l emollient sur la peau de son enfant?

Toute action positive se double forcément d'un risque d'effet secondaire! Je peux vous demander d'avaler un verre d'eau et vous pouvez l'avaler de travers. Ma question était donc : le fait que ce soit le parent qui passe la crème tous les jours sur la peau de son enfant pouvait-il avoir un effet négatif? 


faire bien le traitement n'est pas forcément synonyme de faire du bien !

C'est en observant de jeunes adolescents très fusionnels au parent impliqué dans les soins, que je compris qu'ils n'avaient pas pu installer le stade de la pudeur, étape fondamentale dans la construction de l'individu. La pudeur est  le moment où l'enfant décide seul qui le touche, et qui le regarde.


parents, respectez le passage à la pudeur

La pudeur est un moment clef de la séparation symbolique mais aussi physique des corps entre l'enfant et ses parents. Si cette séparation ne se fait pas à cause de l'obligation des soins, l'enfant, l'adolescent sera dans un lien très confus, et toute séparation sera insécure. Un enfant doit pouvoir se séparer en sécurité, donc en ce qui concerne l'eczéma ne plus avoir besoin de ses parents. Si le parent continue à mettre la crème tous les jours sur la peau de son enfant devenu adolescent, il empêche son enfant de se séparer de lui, il empêche l'installation de la pudeur et de cela l'enfant en aura honte, sans savoir pourquoi...Croyant bien faire, le parent aggrave la situation psychologique de son enfant. Bien faire le traitement ne signifie pas obligatoirement faire du bien.


Ce thème a donné lieu à un exposé à Genève au congrès  de la  SETE


La SETE est la société d'éducation thérapeutique européenne. J'ai présenté ce thème à Genève pour attirer l'attention sur le fait que la persistance des soins appliqués par les parents pourrait entraver la capacité de l'adolescent à mettre en place sa pudeur. L'entrave de cette étape est une des sources de la honte. C'est comme s'il persistait un lien incestueux ...Symbolique et inconscient bien sûr.. je n'accuse surtout pas les parents ; ils s'épuisent à bien faire, mais : Pour que bien faire corresponde aussi à faire du bien, il faut autonomiser l'enfant le plus vite possible. page : congrès dans l'eczéma 


4. Que faire ?

vous n'êtes coupable de rien

L'éducation thérapeutique aura les capacités de vous débarrasser de la culpabilité de ne pas arriver à gérer cette maladie. Elle vous rendra autonome. Vous n'êtes coupable de rien. Elle vous redonnera confiance en vous, envers les soignants et envers les traitements.


autonomiser l enfant

Le petit aime imiter le grand, alors crémez vous devant lui et il le fera avec vous (je parle de la crème hydratante, de l'émollient). Pour le plus grand, jouez : des coccinelles, des zèbres, des dessins sur la peau avec le tube de crème, le jeu est la meilleure façon d'apprendre. Vers les 6/8 ans, l'enfant doit être autonome. Après ce sera vraiment difficile et il vaut mieux laisser le pré ado, l'adolescent décider tout seul de ce qu'il veut faire ou pas. Tant pis pour l'état de la peau, il faut faire une délégation de soins. C'est pour cette raison, qu'il vaut mieux que tout soit mis en place avant. 


recuperer l estime de soi

Si le cercle vicieux a imprimé une blessure narcissique, un manque de confiance, une altération de l'estime de soi, vous aurez besoin d'autres apports, d'autres techniques pour vous aider. Il en existe beaucoup, trouvez celle qui vous conviendra : sophrologie, hypnose, psychothérapie, méditation, yoga, pensée positive, cohérence cardiaque, art thérapie, théâtre, la photo...Toutes ces techniques ne sont pas là pour traiter votre eczéma, mais vous aider à réparer votre manque de confiance en vous. lire la page : estime de soi 

Avoir honte de soi est une souffrance épouvantable dont les patients ne parlent quasiment jamais. Parler de la honte à un honteux, c'est prendre le risque qu'il ne revienne jamais, tellement l'affichage de ce sentiment est destructeur. Cela ne se limite pas uniquement à avoir honte de son corps, mais bien plus en profondeur, la honte n'appelle aucune possibilité de réparation, au contraire de la culpabilité. Se sentir coupable n'a rien à avoir avec se sentir honteux. Il est conseillé de ne pas parler de la honte à un sujet honteux, mais de tout le reste.

Ne pas pointer du doigt la noirceur, mais éclairer d'amour et de bienveillance un être humain blessé, profondément blessé. 


Extraits du livre : l'eczéma est-ce vraiment dans la tête ?

Ce livre est entièrement dédié aux thèmes de la honte et de la culpabilité dans l'eczéma. Vous y trouverez de multiples histoires... 

couverture du livre l eczema est ce vraiment dans la tete

Ce livre est entièrement dédié aux thèmes de la honte et de la culpabilité dans l'eczéma. Vous y trouverez de multiples histoires...

Extrait n°1 :

Au plus profond de la problématique du patient atopique se cache donc cette fragilité, synonyme d’insécurité,  dont on perçoit à la fois :

  • les multiples sources : la maladie elle-même, le regard des autres, les préjugés, le déni de la souffrance, le discours de l’entourage, l’émotionnel véhiculé dans la famille, 
  • les multiples facettes d’expression : honte, culpabilité, dégradation de l’estime de soi, repli sur soi, dépression, colère, troubles du comportement 
  • justifiant  la création d’un lien intouchable en guise d’ancrage de sécurité, d’où ce label de « maladie de la séparation », expliquant que les événements déclencheurs sont souvent des moments dits de «séparation ».

Nous voyons bien l’interaction permanente entre la présence de la maladie, la façon dont l’entourage réagit et comment le patient va le ressentir. Echanges permanents entre le corps, les émotions, la pensée rationnelle, les préjugés et les jugements de valeurs.    

Extrait n°2 :

L’estime de soi effondrée dans ces différentes histoires renvoie au regard de l’autre. Quand la peau est abimée, quand le regard de l’autre se pose dessus, le patient le ressent comme un viol, une intrusion à laquelle il ne peut pas se soustraire. Cette absence de contrôle le culpabilise jusqu’à l’enfermer dans la honte la plus destructrice. La blessure narcissique de la maladie dermatologique correspond à  la profonde conviction d’être incapable d’assurer la sauvegardde son intégrité. Cette empreinte psychologique altère profondément la construction de l’identité de l’individu au détriment de sa confiance en lui, de sa capacité à entrer en relation avec autrui, de son envie de se projeter dans un avenir aventureux.         

Le cercle vicieux est bouclé à double tour :

  • l'eczéma se voit =  l'autre regarde
  • ce regard est une intrusion qui juge ou qui est ressenti comme un jugement
  • cette intrusion est insupportable, elle perfore l'intime
  • et déclenche une crise d' eczéma. 

En restant collés aux histoires des patients, nous sommes passés d’une angoisse liée à la maladie biologique à une empreinte en profondeur de l’être,  assimilée à un viol...                                                                                                                            



Mots clefs : honte et culpabilité dans l'eczéma