Caroline met à plat son histoire sans concession
Nous nous étions rencontrées lors de la 3e journée de l'eczéma en mai 2018 à Lyon-Sud. Vous m'aviez conseillé votre livre "Changer son regard sur l'eczéma" . Voici mon histoire avec l'eczéma suite à la lecture de votre livre.
Ce qui a entamé mon eczéma …
Depuis toute petite, ma peau a toujours été plus ou moins sensible : eczéma aux creux des genoux et coudes pendant une période de plusieurs mois, peau sèche à hydrater, etc.
Cependant, de mes 10 ans jusqu’à mes 20 ans, je n’ai plus eu d’eczéma … jusqu’à la rencontre de mon copain actuel. Mon eczéma s’est déclenché pendant la période de mes premières activités sexuelles. Les zones concernées : avant-bras – cou – paupières.
A cette époque, j’ai formulé diverses origines :
· Choc/stress du premier copain
· Démarrage de ma 1ere pilule
· Allergie à la peau du copain (l’angoisse !)
Ce n’est qu’à votre rencontre lors de la 3e journée de l’eczéma en 2018 à Lyon-Sud, combinée à la lecture du Charme discret de l’Intestin que j’ai commencé alors à relier et à comprendre la potentielle origine de mon eczéma : lors de mes premières relations sexuelles, j’ai contracté une grande infection urinaire, que j’ai tardé à traiter par antibiotique. À la suite de ça, apparition de l’eczéma ! N’ayant pas pris de probiotiques à l’époque, je n’ai jamais reconstruit ma flore intestinale. Lorsque je l’ai traitée seulement 2 ans et demi plus tard, mon eczéma allait nettement mieux !
Concernant la prise en charge de la maladie, vos propos sont plus que pertinents : en tant que patient, on ne réalise pas que l’eczéma, c’est avant tout une maladie que l’on peut traiter. Dans ma tête, c’était un inconfort, un désagrément passager qui se traiterait avec un peu de Dexeryl. Quand il était question de cortisone, la panique : à chaque application, j’avais l’appréhension de détruire un peu plus ma peau. Le monde merveilleux de l’Internet ne nous facilite pas la tâche : on va sur des forums pour récupérer des témoignages, mais on n’obtient qu’un concentré de cas dramatiques. On prend le temps toujours plus facilement pour décrire quand ça va mal que quand ça va bien …
Concernant le corps médical, j’en garde un souvenir assez décevant : sur 4 dermatologues consultés, j’ai eu le droit au combo « alternance cortisone/émollient, et check-up dans 2 semaines » (et encore, check-up en option). Aucune prise de temps pour expliquer l’action de la cortisone, je dois avouer que cela ne m’a pas poussée à l’utiliser. Typiquement, votre image de l’eau qui éteint le feu et s’évapore, il faudrait la raconter à chaque malade ! Psychologiquement, on gagne en sérénité et on perd en culpabilité de se tartiner de cortisone. Une jeune dermatologue m’avait sorti en regardant mon eczéma sur mon bras (qui était en pleine crise) : « Oulalala eh beh, ça a tabassé en effet ! » Quoi de plus destructeur pour le malade que d’entendre un docteur décrire à quel point l’eczéma est violent !
Une chose est claire, et vous l’avez bien précisée : plus la maladie est avancée, moins on la soigne bien. J’ai trimballé 2 ans et demi mon eczéma avant d’écouter et d’appliquer les conseils que l’on m’avait donnés. Ce qui a changé, c’est que cette fois, ces conseils étaient expliqués. L’important de l’explication médicale est pour moi primordiale pour accepter de se soigner (je suis une scientifique, cela peut être différent pour d’autres personnes).
Ce que mon eczéma m’a fait subir …
En premier lieu, ce qui est difficile avec l’eczéma, c’est l’inconfort. On est mal dans sa peau, autant physique que psychologique. La démangeaison en crise, le suintement qui colle aux vêtements, etc. On se sent sale, on a envie de prendre une douche pour enlever les plaques. J’utilise souvent l’image du serpent : je rêve de muer et me réveiller avec une peau neuve toute fonctionnelle ! Bref, on est malade et paradoxalement, on a du mal à prendre conscience que l’eczéma est une maladie, et que l’on peut en prendre soin.
En deuxième lieu, ce qui est difficile c’est l’estime de soi inévitablement impactée. L’inconfort physique génère l’inconfort mental. Quoique l’on fasse, on pense H24 à se gratter, ou aux plaques. Mon esprit était obnubilé par ça et c’est mentalement épuisant. De plus, on se déçoit : je me souviens de l’horreur du réveil, quand je découvre mes bras entièrement scarifiés car j’ai gratté à fond les ballons toute la nuit. Les larmes viennent obligatoirement, je me dis « putain je n’ai pas réussi, j’ai cédé au grattage ! ». Le grattage dure 30 secondes, mais la reconstruction elle dure plusieurs jours. Cher payé pour 30 secondes. En bref, l’épuisement mental plus l’estime de soi rabaissée, cela donne un moral au plus bas, avec un saupoudrage de culpabilité quand on se dit « tu oses être malheureuse, alors que d’autres ont des maladies beaucoup plus graves, toi ce n’est que de l’esthétique ! ». Votre paragraphe concernant les réactions chimiques qui agissent sur le moral m’a percutée : il y a une part de psychologique, mais aussi de physicochimique : il serait presque normal d’avoir le moral au plus bas avec de l’eczéma, c’est physique !
En dernier lieu, une des plus grandes, si ce n’est la plus grande difficulté de l’eczéma, ce sont les autres. Je pense toujours à Sartre avec son « L’enfer, c’est les autres ». Il est clair que le regard des autres induit un mal-être : on est persuadé que notre eczéma se voit à 10 000 km, que les autres sont dégoutés par ce qu’ils voient etc. De plus, ce qui est très difficile, c’est de voir que le grattage est vu comme une faiblesse pour les autres (ou du moins c’est ce qu’on ressent). « Arrête de te gratter » est juste insupportable : on a envie qu’ils prennent notre place pour qu’ils comprennent. D’un autre côté, que peuvent-ils dire à la place ? Je ne peux pas en vouloir aux proches qui me disent ça, car en soit, ils veulent juste aider. J’ai beaucoup aimé vos conseils sur « parler de lui, pas de son eczéma ». Pendant une période, mes conversations avec Maman étaient ponctuées avec « et ta peau elle va comment ? », moi, pensant déjà bien assez à mon eczéma, lui répondait toujours agacée et agressive, alors qu’en soit, elle ne cherchait qu’à me soutenir.
Ce que mon eczéma m’a appris …
Grâce à mon eczéma, j’ai fait un cheminement sur moi-même, et sur ma place par rapport aux autres. Premier point, j’ai appris que la seule personne qui peut guérir, c’est le patient. Il est essentiel de faire un travail physique (= traitements cortisone/émollient, reconstruction flore intestinale etc.) mais aussi psychologique (= gestion du stress, regard des autres, etc.). J’ai appris à me remettre en question, à travailler sur moi, à revenir à l’essentiel (car au fond, on a des plaques rouges … et alors ? cela fait partie de nous, de notre apparence, ça ne change rien en notre essence même, notre caractère etc, tant pis de ce que les autres pensent !). J’ai également appris à aimer ma peau : là où je la voyais comme répugnante, contraignante, anormale, aujourd’hui j’ai appris à l’écouter, à la chouchouter, à m’en occuper. J’en suis fière quand je vois qu’elle se restore, et je suis à l’écoute quand elle se détériore (au lieu de paniquer et déprimer, maintenant, dès qu’une crise resurgit, j’identifie les causes, et j’adapte mon traitement en fonction). Mon discours a également beaucoup changé (et ce grâce à mon copain qui m’a toujours énormément soutenu, et qui m’a aidée à changer mon regard) : là où j’avais l’habitude de dire « j’ai une peau de merde », je dis aujourd’hui « j’ai une peau de princesse, elle est sensible » ! Inconsciemment, cela un impact totalement différent, et cela aide à mieux s’aimer.
Outre mon développement personnel, j’ai également développé beaucoup d’empathie envers les personnes qui ont également des peaux capricieuses. Je tâche d’être bienveillante et compréhensive quand ils en parlent (= ne pas dire « mais attends t’es totalement rouge là oulalala », alors que oui, la personne concernée à apriori vu qu’elle était rouge !)
En bref, malgré la galère, j’ai appris à tirer du bon de mon eczéma, et je suis réellement (et paradoxalement) contente de porter ce dernier, car je ne serai pas la personne que je suis sans ça (phrase digne de film hollywoodien certes, mais vraie).
Ce que votre livre m’a appris …
Car votre livre m’a appris ENORMEMENT ! Tout d’abord, j’ai particulièrement apprécié votre approche plus que pertinente : aspect santé/psychologie/alimentation ! Le monde médical m’a toujours parlé de la santé (mettez de la cortisone !), mon monde personnel m’a toujours parlé du psychologique (t’es trop stressée Caro !) mais vous êtes la première à me parler de l’alimentation ! Lors de la 3e journée, vous aviez fait un topo sur ce point qui m’avait à l’époque interpellée, et la lecture de votre livre m’a permis d’approfondir ce sujet.
Les informations sur la cortisone et son application m’ont permis de déculpabiliser la prise, et de l’appliquer plus sereinement.
L’explication de la flore intestinale est top également. J’entends souvent « les probiotiques c’est cher, c’est un gagne-sous pour les pharmacies », mais ça semble marcher sur moi, donc je m’en fous des théories lobbyistes, tant que ça marche, c’est l’essentiel !
En clair, merci pour votre livre, ce dernier devrait être une bible pour tout patient, et être recommandé par chaque dermato !
Ce que mon eczéma est à présent …
Où j’en suis aujourd’hui ? J’ai soigné ma flore intestinale par prise de probiotiques, je fais plus attention à mon alimentation, et j’applique la cortisone à bon escient lors de crise. J’hydrate également ma peau plus régulièrement par application d’émollient, et lors d’une crise, j’identifie qu’elles sont les boites d’allumettes utilisées parmi les 5 facteurs pour soigner en conséquence.
J’ai changé mon discours sur ma peau et sur mon eczéma, je ne suis plus contre lui mais avec lui.
Aujourd’hui, l’eczéma de mes bras et cou a quasiment disparu, les crises aux paupières sont espacées, plus d’eczéma suintant, que du sec et surtout, un esprit léger, je n’y pense plus !
Merci, votre livre a été une réelle thérapie et une prise de conscience nécessaire, et je suis aujourd’hui vraiment mieux dans ma peau, donc merci encore !