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L’enfant atteint d’eczéma souffre-t-il ?
Toutes les études internationales attestent de troubles du sommeil, de dégradation de l’estime de soi voire de troubles anxio-dépressifs chez les enfants atteints d’eczéma. Ces études sont basées sur des critères établis par les adultes.
Et si on donnait la parole aux enfants, auraient-ils autre chose à dire, à partir de quel âge et sous quelle forme ? Les enfants : que disent-ils de leur vie avec ou sans eczéma ?
Le but de ce travail était de répondre à ces questions à partir du mode d’expression favori de l’enfant : le dessin
En pratique
La consigne était « dessine toi avec l’eczéma et sans l’eczéma » à la fin de la consultation au moment de la négociation de l’ordonnance avec le parent.
L’enfant était ainsi soustrait aux regards du parent et du médecin. Il avait peu de temps, ce qui favorisait une grande spontanéité. Il avait à disposition des feutres et / ou des crayons de couleur
Les observateurs : docteur Bourrel dermatologue, le docteur Bouttaz généraliste, le docteur Mauries Perrier pédiatre, madame Cécile Tribouillard pharmacien et patiente atopique, madame Emeline Cambet infirmière et patiente atopique, madame Jocelyne Dijoud professeure des écoles.
Il fallait 4 résultats identiques pour appartenir à un groupe. Les dessins pour lesquels les résultats étaient discordants étaient rangés dans le groupe Les Complexes par défaut.
59/64 parents ont donné leur accord pour la publication des dessins. Un seul a refusé. 4 n’ont pas répondu.
Les Amputés
Autre Chose
Les Mêmes
Les Tristes
Les Complexes
Apparaissent : soit une représentation du corps ( Les Amputés), soit une mise en scène ( Autre Chose), soit une émotion ( Les Tristes), soit rien de particulier ( Les Mêmes ), soit un mélange des messages ( Les complexes)
Les interprétations des dessins sont uniquement celles données par les enfants.
Dans ce groupe, le schéma corporel pose problème
Dans cette première série de 5 :
Dans ce dessin ( à lire de droite à gauche )
L'enfant a dessiné sur deux feuilles :
Là, le corps reste amputé des deux côtés,
mais la taille de la tête augmente fortement du côté droit sans eczéma
Dans ce groupe, les enfants se sont mis en scène. Ils n'ont pas dessiné leur corps.
Paroles des enfants :
Dans ce groupe, à part le dessin 4, l'enfant s'est représenté par son image corporelle, identique des deux côtés. Seules les plaques apparaissent du côté eczéma et disparaissent du côté sans.
Le dessin 3 est à lire de droite à gauche
Le dessin 6 nous dit : on nami lacrém on sétai rouge du conu il y a plu eczema
Le dessin 10 : quand j'ai de l'eczéma, je garde les cheveux en l'air
C’est dans ce groupe qu’une famille a refusé la publication du dessin de leur enfant : il est important d’en parler car l’enfant avait d’abord fait un dessin rigoureusement identique avec ou sans eczéma. Puis, une fois la consultation finie, il a demandé à en faire un autre : dans le deuxième, il pleurait du côté avec eczéma. Je ne voulais pas faire de la peine à maman, je ne voulais pas lui dire que j’étais triste…
Hormis cet enfant, dans ce groupe, il semblerait que l’eczéma ait peu d’impact.
Dans ce groupe, la tristesse ...
Dans ce groupe, étaient inclus par défaut tous les dessins qui ne recueillaient pas 4 lectures identiques par les observateurs.
Le fond noir a été choisi dans un but de visibilité de dessins très peu visibles sur fond blanc.
Le dessin de la main représente ainsi une " main de vieille " avec l'eczéma et une main de jeune ado sans
La limite de ce travail
L’idée ici n’est surtout pas de chercher à faire une analyse psychologique de l’enfant et encore moins de se substituer aux regards des psychologues. Dans ce registre Eric w Pireyre psychologue, nous parle de l’image du corps dans une composition composite où interviennent : le sentiment de continuité de l’existence, l’identité, l’identité sexuelle, la peau physique et psychique, la sensibilité somato-viscérale, la représentation de l’intérieur du corps, les angoisses corporelles archaïques, et les mécanismes de défense.
Pour nous dermatologues, Il s’agit juste de voir ce que la présence ou l’absence de l’eczéma change dans ce que l’enfant dit de lui, malgré toute cette complexité de son organisation, dans le seul but d’alerter sur la nécessité d’une prise en charge correcte.
Les petits sont dans le groupe Les Amputés.
Construction identitaire et schéma corporel sont liés.
Un corps mutilé est le reflet visible d'une fracture identitaire déjà identifiable à 4 ans.
Les petits nous parlent d'eux de façon symbolique
Les 6-7 ans sont dans le groupe Autre Chose :
Cette insécurité intérieure ne passe plus par le schéma corporel lui-même, mais par une mise en scène où l'enfant nous laisse voir sa relation à son entourage, son environnement.
Cette insécurité se traduit dans le monde relationnel
Les 8 ans sont dans le groupe Les Mêmes.
Même dessin du corps
avec ou sans plaques (les plaques sont sur les joues).
Le fait :
laisse penser que les enfants de ce groupe ont accès à des ressources permettant leur résilience.
Une résilience ? oui! mais pour combien de temps ?
Le groupe Les Mêmes laisse supposer que l'eczéma impacte peu les enfants.
Pourtant le fait que la courbe s'effondre avec l'avancée dans l'âge montre que cette résilience ne tient pas dans le temps. Elle s'efface au profit de la tristesse...
La résilience s'effondre avec le temps
Les 9 ans sont dans le groupe Les Tristes.
Des larmes, une moue avec.
Un grand sourire sans.
Ce sont des pré-adolescents, leur univers relationnel devient de plus en plus compliqué
Ils souffrent à la fois de leur peau et des réactions désagréables autour d'eux :
Les parents sont aussi accablés :
Leur tristesse ouvre le champ sur d'autres questions :
L'effacement de cette résilience laisse place à la tristesse
Les plus grands sont dans le groupe Complexes
Tous les messages se mélangent.
Le groupe Les Complexes a réuni les dessins qui ne correspondaient à aucun des autres groupes.
Il a été très étonnant de voir que s'y assemblaient les enfants les plus grands. Les messages s'additionnent et sont plus difficiles à repérer.
Le dessin n'est peut être plus le moyen d'expression favori à cet âge.
La courbe jaune est celle de la permanence de l'eczéma au quotidien depuis environ la première année de vie de l'enfant.
La courbe verte est celle des eczéma les moins agressifs : formes légères.
La courbe rouge est celle des eczéma les plus agressifs : formes modérées et sévères
La courbe jaune est dominante. 2/3 des enfants de cette étude ne savent pas ce qu'est une vie sans eczéma.
Le groupe les Amputés, celui des tous petits, cumule à la fois les formes les plus légères et les plus permanentes. Or ce groupe nous montre des corps mutilés, absents ou régressés au stade de déchets organiques. Cela nous prouve à quel point, c'est bien la permanence de l'eczéma qui est le facteur le plus impactant sur l'enfant, et que cet impact se traduit par une fragilité dans la construction identitaire.
Que va devenir cette fragilité? comment évolue-t-elle avec le temps?
Personnellement, je pense qu'il y a une continuité entre chaque tranche d'âge, bien au-delà des capacités purement cognitives de l'enfant à dessiner. Mais cette idée est fondamentalement la question de ce travail.
Ce n'est pas la gravité de l'eczéma qui impacte le plus l'enfant, c'est sa permanence au quotidien.
Vivre avec un eczéma au quotidien, quelle que soit sa sévérité, occasionne très tôt une fracture identitaire, symbolisée dans la représentation du schéma corporel
Un enfant dont l'eczéma devient chronique, est le plus souvent un enfant en défaut de soins.
Ce défaut de soins a deux origines :
Il est donc fondamental qu'au cours de la consultation le parent puisse aborder tous les obstacles qu'il a rencontrés, les peurs et les croyances, sa culpabilité...
....et de renforcer la formation des soignants ...
Un enfant dont l'eczéma devient chronique
est le plus souvent (pas toujours...)
un enfant en défaut de soins
Mieux former les soignants permettrait d'aider les parents perdus dans des discours si discordants
Au-delà des soins de la peau, il est important que l'enfant et ses parents récupèrent confiance :
Tant que ces trois confiances ne sont pas à 10/10, le travail n'est pas fini...
Le meilleur outil ... c'est le médecin formé à l'attitude éducationnelle.
Ecouter tout le parcours d'un parent, comprendre ses difficultés, les accueillir, en parler ensemble, donner les moyens aux parents de construire la logique du fonctionnement de cette peau, soutenir dans les échecs, valoriser, déculpabiliser...
La vie ne doit pas tourner autour de l'eczéma, les parents ont besoin d'être soutenus, les enfants ont besoin de faire du sport, il faut les aider tous à devenir complètement autonomes sur cette maladie. L'eczéma ne sera plus alors un fardeau.
Le GET est le groupe d'éducation thérapeutique dans la dermatite atopique. Il s'agit d'un sous-groupe de la Société Française de Dermatologie. Ce groupe a crée les écoles de l'atopie, dont la première date de 2000 à Nantes. Les écoles de l'atopie proposent des programmes d'éducation thérapeutique dans les centres hospitaliers.
Ce groupe travaille actuellement ( 2021 ) à la constitution d'une consultation éducative, afin de changer la prise en charge de l'atopie en consultation dermatologique.